Interview de Chantal Vander Vorst

Formatrice en Neuro-Leadership

Selon vous, il y a un lien entre l’hyperinvestissement et le burnout. Ce surengagement, qui expose l’individu à un stress permanent et prolongé, trouverait racine dans l’enfance.
Pour quelle raison ?

L’hyper-investissement émotionnel est un conditionnement puissant, dont il est parfois difficile de s’en rendre compte. Ce qui va indiquer progressivement à la personne qu’elle est en hyper-investissement, c’est son stress.

Il s’agit d’un comportement à tendance obsessionnelle qui entre dans le cadre des addictions comportementales. Et cette dernière est néfaste, car elle fait le lit des formes majeures des risques humains et des troubles psychosociaux.

L’hyper-investissement est une forme de compensation d’un comportement bloqué, un comportement dit hypo-fonctionnel qui s’est bloqué durant l’enfance ou l’adolescence par sensation de honte ou de ridicule.

Prenons un exemple. Une personne peut avoir appris précocement que la faiblesse est un comportement qu’il faut à tout prix éviter. Cet apprentissage précoce vient de l’environnement social, des valeurs véhiculées. Pour qu’un comportement hypo-fonctionnel se développe, une condition est indispensable : l’enfant devra s’être senti ridicule ou honteux, en adoptant le comportement en question. Cette émotion forte imprimera une sensation d’être potentiellement « rejeté de la tribu », ce qui animalement est beaucoup trop dangereux. L’enfant réprimera alors ce comportement. Une compensation pourra se développer, compensation qui sera un comportement hyper-fonctionnel, comme par exemple, le fait de réussir, de briller. Et, dans le cas d’un comportement hyper-fonctionnel cet enfant devenu adulte ne sera jamais satisfait de sa réussite.

Qui des managers ou des collaborateurs peuvent se responsabiliser le plus durablement face au stress et pourquoi ?

La cause du stress en entreprise est rarement due à un individu en particulier, ou à son fonctionnement, elle est en général multi-factorielle.

Nous avons identifié et décrit trois formes de causes de stress :

  • Le stress relationnel dont on parle le plus dans les médias et qui affecte la relation elle-même
  • Le stress systémique dont on parle extrêmement peu et qui met en lumière l’impact de la façon dont on conçoit la structure organisationnelle
  • Le stress individuel dans lequel nous devenons notre propre bourreau.

Tout le monde aurait intérêt à se responsabiliser par rapport à cette thématique, car le stress est régulièrement contagieux.

Lorsque le manager est stressé, il se répandra encore plus fort probablement car il a un grand pouvoir d’influence. Mais loin d’entrer dans un débat moralisateur, regardons plutôt au-delà de l’apparence. Ce qui caractérise le plus le manager stressé, c’est son ignorance volontaire ou inconsciente – difficile à savoir – à prendre en compte les symptômes du stress léger. Plus les études se multiplient, plus on constate que le stress, même léger, est déjà l’annonciateur de dysfonctionnements plus intenses. Le « bon stress » n’existe pas ou peu.

Dans certains cas, nos émotions sont elles aussi une forme de pollution.
Que proposez-vous pour mieux les gérer ?

Il nous faut apprendre à stimuler notre intelligence adaptative.

Appelée également capacité d’innovation et de changement, l’intelligence adaptative est une forme de créativité qui se manifeste dans les situations imprévues. Dans un monde de plus en plus complexe et face à des situations inconnues, c’est cette « intelligence adaptative » qui perçoit l’inadaptation des modes de pensée et des processus habituels ou automatiques. C’est elle qui nous aide à prendre du recul pour sortir des sentiers battus, invente des solutions et permet d’anticiper. Elle est un élément essentiel à la prise de décision au même titre que l’expérience, la compétence, l’intelligence émotionnelle. L’intelligence adaptative est principalement hébergée par le néocortex préfrontal. L’imagerie cérébrale a démontré que cette intelligence agissait comme un chef d’orchestre, en charge notamment des difficultés ou imprévus.

Toutes les ressources se trouvent à l’intérieur de nous, et nous avons tous la possibilité de créer avec peu de moyens des organisations, des équipes compatibles avec notre fonctionnement biologique, alliant bien-être et performance. Quelle qu’en soit la cause profonde, un niveau de stress important aura tôt ou tard une répercussion sur le bien-être et la performance. Alors, ne serait-il pas préférable d’anticiper ? Les cas de stress élevés révèlent « un montage à l’envers » : deux gouvernances cérébrales qui prennent le dessus : les gouvernances instinctives et grégaires, alors que la situation nécessite la prise de commande par la gouvernance adaptative. À quand des organisations qui comprendront réellement que leur fonctionnement ne reflète que nos fonctionnements individuels ?